Les programmes facilitent l’application locale et nationale des accords définis au niveau régional. 

Les cadres de transhumance peuvent fournir un ensemble commun de lignes directrices et d’hypothèses partagées entre les États membres, mais doivent encore être mis en pratique par le biais de la législation et du financement. Le protocole et la réglementation de la transhumance de la CEDEAO, par exemple, exigent de chaque État membre qu’il définisse des mesures telles que le moment et le lieu où le bétail est autorisé à se déplacer et le nombre de bêtes autorisées dans une région à un moment donné. Des dispositions doivent être prises en matière de fiscalité, d’accès aux vaccinations requises pour la traversée des frontières, d’enregistrement et d’identification des animaux. Ces réglementations doivent ensuite être appliquées par les autorités locales qui devront avoir la capacité de surveiller le flux de milliers, voire de millions, d’animaux. Ce processus doit être impulsé par l’État, mais peut être soutenu par des interventions externes qui fournissent une formation technique aux fonctionnaires sur la manière d’encourager le respect des règles par les populations pastorales, d’identifier le bétail volé faisant l’objet d’un trafic transfrontalier, ou de combler d’autres lacunes en termes de capacités.

Les règles et règlements sont adaptés aux populations pastorales.

Les cadres de transhumance exigent généralement que les pasteurs se conforment volontairement à un certain niveau de réglementation officielle, comme le passage par des points de contrôle réglementaire, le maintien de l’identification ou la vérification de la santé du bétail. Lorsque ces exigences sont onéreuses ou inaccessibles, les pasteurs peuvent simplement consolider leurs habitudes et éviter les autorités publiques. Toute nouvelle exigence doit être accessible et gérable pour les populations pastorales. Si, par exemple, les pasteurs sont tenus de présenter une carte d’identité nationale pour le dédouanement, les autorités au niveau des frontières doivent prévoir des procédures simplifiées pour obtenir les documents requis, accessibles aux populations de passage ou analphabètes.

Les programmes communiquent les avantages de l’adhésion aux populations pastorales. 

Les réglementations qui ne sont pas considérées comme un avantage à la fois pour les pasteurs et les autorités locales ne seront pas respectées, quelle que soit la diligence de leur diffusion, de leur éducation et de leur application. Les accords régionaux qui garantissent la libre circulation du bétail, lorsqu’ils sont bien socialisés parmi les populations locales, offrent aux éleveurs des protections juridiques de sorte que leurs moyens de subsistance soient moins sujets à des fermetures arbitraires des frontières ou à des extorsions de la part des autorités locales. L’enregistrement du bétail et les relations solides entre les douanes et les éleveurs locaux peuvent également permettre aux forces de l’ordre de réagir plus efficacement aux vols de bétail (voir Module 7 – Application de la loi et lutte contre le terrorisme). La valeur de la participation doit être clairement communiquée, que ce soit par le biais d’associations commerciales ou d’autres programmes de prestation de services mobiles (voir Module 1 – Développement Rural).

Les accords précisent explicitement comment les conflits seront traités.

Bien que certaines communautés aient développé des protocoles de compensation pour le bétail, pour les dommages aux cultures et pour les couloirs de migration convenus, ces systèmes sont rarement codifiés et les interprétations peuvent différer entre les pasteurs et les populations locales. En l’absence de règles universellement acceptées, les parties à un conflit peuvent se livrer à une « recherche de forum », en cherchant à obtenir la faveur de l’une ou l’autre des diverses autorités qui peuvent être compétentes. Les politiques et les autorités relatives aux migrations transfrontalières peuvent donc bénéficier d’orientations claires et pratiques pour régler les différends et éviter l’escalade. Il peut s’agir d’un jugement effectué par les chefs traditionnels ou les comités de paix locaux.

Les programmes permettent de revoir et de réaffirmer les accords chaque année.

La migration pastorale n’est pas mécanique. Le temps et la direction du voyage changent en fonction des fluctuations climatiques, des dates et des prix du marché, ou encore d’autres facteurs. Les accords efficaces sont visibles et flexibles, car ils reflètent une relation dynamique entre les communautés nomades et celle d’accueil.

Les intervenants externes encouragent une communication proactive et claire.

La distance physique entre les pasteurs et les communautés agricoles peut engendrer des suspicions et de la peur. Veiller à l’ouverture des lignes de communication entre les camps respectifs peut rendre les mouvements transfrontaliers prévisibles et permettre de mieux comprendre les motivations de toutes les parties. Un leader pastoral peut alerter un chef de village éloigné au sujet de l’avancée du bétail en utilisant un messager à pied, un texte ou une radio. Certains groupes pastoraux du Soudan du Sud, par exemple, envoient des messagers plusieurs jours à l’avance pour évaluer les pâturages disponibles et planifier un itinéraire qui minimise les confrontations avec les communautés d’accueil.

Les programmes facilitent la coordination directe entre les communautés frontalières.

Les conflits impliquant le pastoralisme transfrontalier peuvent être très locaux mais avoir des conséquences régionales. La coordination est essentielle au sein des gouvernements nationaux et des forces de sécurité, mais les parties prenantes locales au sein des communautés frontalières ont besoin d’accords et de canaux de communication similaires. Les fermetures de frontières en raison du terrorisme ou des pandémies augmentent l’urgence de ces canaux. Les interventions peuvent mettre en relation les chefs traditionnels, les associations d’éleveurs ou d’agriculteurs, ou les communautés de paix des deux côtés d’une frontière, afin qu’ils partagent des données sur les tendances des conflits, qu’ils résolvent les conflits de bas niveau et qu’ils coordonnent avec les forces de sécurité dans leurs localités respectives.

Les programmes soutiennent l’analyse et la collecte de données au niveau local.

La compilation d’informations précises sur la violence dans les pâturages et les zones frontalières éloignées où les pasteurs sont actifs, se révèle être essentielle pour prendre des décisions éclairées sur la sécurité régionale ou nationale. Cependant, ces régions peuvent ne pas être accessibles aux fonctionnaires de l’État. La collecte efficace de données dépend souvent des leaders de la société civile locale, qui sont les mieux placés pour suivre les événements et les risques dans leur propre communauté. Les canaux permettant de recueillir ces informations et de les transmettre aux décideurs nationaux ont été mis en place entre les États membres de la CEDEAO (par le biais du système ECOWARN ) et de l’IGAD (par le biais du système CEWARN ). Dans les deux cas, cependant, la collecte efficace de données dépend d’un réseau solide d’observateurs de la société civile, et les intervenants extérieurs peuvent jouer un rôle crucial dans le renforcement des capacités de ces collecteurs de données au niveau local.

Les forces de sécurité coordonnent leurs efforts avec ceux des civils en matière d’aide humanitaire, de développement et de consolidation de la paix.

Il existe un large éventail de forces de sécurité et d’acteurs de la société civile qui ont intérêt à surveiller ou à protéger la transhumance transfrontalière, comme les patrouilles frontalières, les militaires, les missions de maintien de la paix des Nations Unies, les chefs traditionnels et les associations professionnelles Malgré l’intérêt partagé de maintenir un environnement sûr où le commerce régional peut prospérer, ces acteurs peuvent finir par travailler à contre-courant. La fermeture des mouvements transfrontaliers à des fins de sécurité, comme dans le cas de la frontière entre la RCA et le Tchad, peut encourager les pasteurs à adopter de nouveaux itinéraires pour traverser la frontière en dehors des points de contrôle officiels et les mettre en conflit avec les agriculteurs au niveau des zones frontalières. Les interventions peuvent établir des lignes de communication entre la multiplicité des forces de sécurité locales et régionales et les leaders de la société civile, qui ont tous intérêt à préserver une migration pacifique du bétail.

Les informations sont rendues publiques et accessibles aux organismes de financement et aux investisseurs.

L’interdépendance productive entre les éleveurs et les agriculteurs ruraux a perduré malgré la rareté des ressources, la violence armée et la contrebande illicite dans de nombreuses parties de la région. Comme les données économiques sont continuellement mises à jour et que de nouvelles tendances émergent, ces points de données supplémentaires devraient être partagés avec les décideurs et le secteur privé qui ont une influence directe dans la création d’une atmosphère favorable ou hostile au commerce avec les pasteurs. En particulier, la mise en évidence des revenus déclarés lorsque le bétail traverse les frontières peut aider à recadrer les opinions selon lesquelles le pastoralisme est obsolète dans un contexte d’économie moderne.

Les programmes de recherche mettent en évidence les coûts économiques et sociaux des conflits et de l’insécurité.

L’impact économique des conflits et de l’instabilité est significatif, mais mal quantifié. L’intensification des raids sur le bétail pendant la guerre civile a entraîné des pertes substantielles dans les troupeaux du Soudan du Sud La présence de Boko Haram et de syndicats criminels prédateurs dans le nord-ouest du Nigeria a obligé les pasteurs à modifier leurs itinéraires et à chercher de nouveaux marchés. Les conflits ont également déplacé les communautés pastorales au-delà des frontières, comme dans le cas des communautés pastorales Mbororo qui ont été déplacées par l’instabilité du Soudan et de la RCA vers le nord de la RDC. Il s’agit de coûts importants qui sont peu étudiés, et de meilleures données fourniront aux bailleurs et aux décideurs une image plus complète lorsqu’ils prendront en compte leurs investissements dans la gestion des conflits.